La période d’essai ne se présume pas
Pour pouvoir rompre librement la période d’essai, encore faut-il qu’elle existe. Pour cela, elle doit être expressément prévue dans son principe et sa durée dès l’engagement du salarié (C. trav. art. L 1221-23). Sa durée initiale maximale est fixée par le Code du travail à 2 mois pour les ouvriers et les employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et à 4 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-19).

La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu et le contrat de travail en prévoit expressément la possibilité (C. trav. art. L 1221-21 et L 1221-23). La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas alors dépasser 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 8 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-21).

La rupture n’est possible que pour un motif professionnel
La période d’essai est destinée à permettre au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et à l’employeur d’évaluer les compétences de l’intéressé dans son travail (C. trav. art. L 1221-20). La rupture de cette période par l’employeur ne peut donc être fondée que sur un motif inhérent à la personne du salarié . Comme l’a rappelé à plusieurs reprises la Cour de cassation, la rupture pour un autre motif est abusive (Cass. soc. 20-11-2007 n° 06-41.212 F-PBRI ; Cass. soc. 10-4-2013 n° 11-24.794 F-D). Il en est ainsi par exemple si elle intervient pour des raisons économiques (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-30.535 F-D) ou à la suite du refus de l’intéressé d’une diminution de son salaire (Cass. soc. 10-12-2008 n° 07-42.445 F-PB). Le salarié est en droit d’obtenir des dommages-intérêts si le caractère abusif de la rupture est établi.

A noter : L’article L 1132-1 du Code du travail prohibant les discriminations à raison de la nationalité, l’orientation sexuelle, l’activité syndicale, l’état de santé, etc. est applicable à la rupture de la période d’essai (Cass. soc. 16-2-2005 n° 02-43.402 FS-PB). Par exemple, a été jugée fondée sur un motif discriminatoire la rupture intervenue immédiatement après que l’employeur a eu connaissance d’un malaise du salarié et de l’arrêt de travail susceptible d’en résulter (CA Montpellier 17-10-2007 n° 07-726).
Par ailleurs, l’article L 1225-1 du Code du travail interdit expressément à l’employeur de prendre en compte l’état de grossesse d’une femme pour décider de rompre sa période d’essai et d’effectuer des recherches concernant un éventuel état de grossesse de l’intéressée.

La rupture ne doit pas intervenir trop rapidement
La rupture du contrat de travail peut en principe intervenir à tout moment au cours de la période d’essai. L’employeur doit toutefois laisser au salarié un temps suffisant d’adaptation à ses fonctions pour pouvoir véritablement apprécier ses capacités professionnelles.

En outre, la rupture est interdite si la période d’essai est suspendue en raison d’un accident du travail , sauf faute grave du salarié ou impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat.

A noter : Le temps laissé au salarié pour s’adapter sera plus ou moins long selon les fonctions qu’il exerce. Ainsi la rupture seulement 4 jours après le début d’exécution du contrat de travail d’un chef de rang n’a pas été considérée comme abusive (CA Douai 28-2-2005 n° 04-1310), alors que celle intervenue moins de 2 semaines après le début des relations contractuelles s’agissant d’un directeur général adjoint a été jugée fautive (Cass. soc. 15-11-2005 n° 03-47.546 F-D).

Un préavis doit être respecté
L’employeur et le salarié doivent respecter un délai de préavis variable selon le temps déjà écoulé depuis le début d’exécution du contrat de travail à durée indéterminée. Ainsi, l’employeur doit, sauf disposition plus favorable du contrat de travail ou de la convention collective, respecter un délai qui ne peut être inférieur à :

24 heures en deçà de 8 jours de présence du salarié ;
48 heures entre 8 jours et un mois de présence ;
2 semaines après un mois de présence ;
un mois après 3 mois de présence (C. trav. art. L 1221-25).
De son côté, le salarié est tenu à un délai de prévenance de 48 heures, ramené à 24 heures s’il est dans l’entreprise depuis moins de 8 jours (C. trav. art. L 1221-26).

Si le contrat de travail prévoit un délai de préavis plus long que le délai légal, c’est le préavis plus long qui s’applique (Cass. soc. 15-4-2016 n° 15-12.588 F-D).

Si l’employeur rompt la période d’essai (sauf faute grave), il peut soit laisser le salarié exécuter son préavis, soit lui verser une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait travaillé pendant ce préavis (C. trav. art. L 1221-25). Attention toutefois : si la rupture est notifiée au salarié avec retard et que le délai de préavis dépasse le terme de l’essai, l’employeur doit impérativement mettre fin à l’essai et indemniser le salarié. En effet, si le salarié continue à travailler après la fin de la période d’essai, un nouveau contrat de travail est créé entre les parties (Cass. soc. 5-11-2014 n° 13-18.114 FS-PB).

Exemple —————————————————————————————————————

Pour un employé embauché en CDI le 1er octobre, avec une période d’essai de 2 mois prenant fin au 30 novembre. L’employeur souhaite rompre le contrat de travail le 21 novembre, soit 1 mois et 3 semaines après l’embauche. Il doit en principe respecter un délai de prévenance de 2 semaines, expirant en théorie le 5 décembre, soit 5 jours après le terme initialement prévu pour la période d’essai. Dans ce cas, l’employeur dispose d’une option :

soit il notifie au salarié une rupture avec dispense de préavis dès le 21 novembre et lui verse une indemnité compensatrice de 2 semaines de salaire ;
soit il laisse le salarié exécuter son préavis jusqu’au 30 novembre et lui verse une indemnité compensatrice de 5 jours de salaire.
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Quelques règles de procédure s’imposent parfois
Sauf disposition contractuelle ou conventionnelle contraire, aucune formalité particulière n’a en principe à être respectée pour mettre fin à la période d’essai. L’article L 1231-1 du Code du travail exclut explicitement l’application de la procédure de licenciement.

La rupture de la période d’essai peut donc être verbale. Il est cependant conseillé de la notifier par écrit pour des questions de preuve : preuve que la période d’essai a été rompue avant son expiration, preuve du respect du délai de prévenance.

L’employeur a ainsi intérêt à rédiger une lettre de rupture, envoyée au salarié en recommandé avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge.

Des règles de procédure s’imposent dans certains cas. En particulier, lorsque le salarié est protégé (représentant du personnel, conseiller prud’hommes…) : la rupture de sa période d’essai ne peut intervenir sans l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Le salarié dont la période d’essai est rompue n’a pas droit à une indemnité de rupture. Il a droit à son salaire et à une indemnité compensatrice de congés payés pour la période travaillée.

A noter : L’employeur qui invoque une faute du salarié pour rompre l’essai, alors qu’il n’est pas tenu de justifier sa décision, doit respecter la procédure disciplinaire – convocation du salarié à un entretien préalable, notification de la rupture dans le délai d’un mois (Cass. soc. 10-3-2004 n° 01-44.750 FS-PB ; Cass. soc. 14-5-2014 n° 13-13.975 F-D).

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